Maxime Berthou
Biographie
Maxime Berthou, Français né en 1981, sort diplômé de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence avant d’intégrer le post-diplôme du Fresnoy Studio National des Arts contemporain de Tourcoing puis de suivre une formation pré-doctorale aux Arts Décoratifs de Paris.
Sa pratique artistique consiste à réaliser des essais cinématographiques à partir de l’expérience vécue lors de gestes performatifs. Son travail s’inscrit dans un contexte de recherche basé sur la pratique superposant un cadre artistique à un cadre scientifique.
PAPARUDA
Vidéo, 12min, 2011
Paparuda est une installation vidéo de Monsieur Moo qui met en scène une performance publique au cours de laquelle l’artiste a déclenché une pluie artificielle. Localisée au dessus d’une forêt boréale située à la frontière du Canada et des Etats-Unis, ce geste artistique fait référence à un différend géopolitique entre les deux pays, à propos de la propriété des nuages.
Paparuda, acte 2 du triptyque Climat, est le titre d’une performance publique consistant à déclencher de manière artificielle des pluies à la frontière entre les États-Unis et le Canada. L’objet de cette performance est de faire écho à un accident géopolitique survenu en 1949 non loin de l’endroit où les USA avaient ensemencé des nuages se déplaçant vers le Canada. À cette époque de sécheresse l’Histoire avait déjà soulevé le problème de la propriété du nuage et de l’eau qu’il contenait. Le Canada s’était alors plaint de s’être fait exproprié de cette pluie par ses voisins américains. À l’issue de cet évènement, Le Canada, sous mandat de l’ONU, a ratifié le traité R.Q.c.P-43.r1 légiférant les provo-cations artificielles des pluies en Amérique du nord. Pendant dix ans l’artiste Monsieur Moo a tenté d’obtenir l’accréditation du ministère de l’environnement Canadien pour pouvoir réaliser sa performance. Cette loi n’ayant jamais été sollicitée en l’espace de 51 ans, aucun juriste ni avocat fédéral n’a été en me-sure de l’appliquer dans le cadre d’un geste artistique.
Ces débordements juridiques, administratifs et politiques, viennent enrichir le propos de l’artiste qui tente ici de créer un jeu d’échelle dans la disproportion entre les besoins d’un projet et la familiarité de son sujet : une pluie
Southwind
avec Mark Požlep, 2017-2019
Pendant une pause de ses études en France, Berthou a rencontré Mark Požlep en Slovénie. Cette riche amitié a débouché sur quatre ans de collaboration en duo puis sur une résidence d’art d’une dizaine d’années entre la Slovénie et la France, animée par l’organisation Otto Prod. Le partenariat entre les deux artistes prend souvent la forme de performances de long-terme articulant observation et expérience, une forme de jeu de rôle dans un environnement social choisi. Ils considèrent que la personnalité d’une pièce est aussi importante que l’événement ou le sujet réel de la pièce. À travers des expériences et des émotions personnelles, ils utilisent la narration contemporaine comme un moyen de partager leurs connaissances et leurs prises de conscience.
En 2018, ils ont développé un projet culturel transmédia sous la forme d’un voyage de recherche le long du fleuve Mississippi, choisi pour sa symbolique comme «corps de la nation» mais aussi pour son histoire coloniale. Il s’agit de la voie navigable commerciale la plus importante du pays, s’étendant sur 3730 kilomètres et traversant dix états différents (Minnesota, Louisiane, Wisconsin, Illinois, Kentucky, Tennessee, Mississippi, Iowa, Missouri et Arkansas).
Leur objectif était de distiller le fameux whisky de maïs pirate connu sous le nom de Moonshine, une liqueur qui n’a été légalisée qu’en 2012 aux États-Unis après son interdiction pendant la prohibition. En 2019, les deux aventuriers se sont lancés un nouveau défi nommé Southwind. En voyageant sur les traces de Mark Twain le long de la route à la Nouvelle-Orléans à bord d’un bateau à vapeur traditionnel remis à neuf, ils ont récolté 42 variétés de maïs auprès d’agriculteurs locaux.

Le voyage a commencé le 2 septembre, un mois à peine après la fin d’une période de six mois d’inondations intenses, la plus longue et la plus étendue depuis 1993 selon les habitants. De nombreuses villes du haut Mississippi ont été emportées; les marinas dévastées et détruites et les infrastructures le long du fleuve abandonnées. Les habitants ont dû faire face à la misère accentuée par les inondations et la situation économique, ainsi qu’aux problèmes de santé dus à la pollution industrielle. Les inégalités raciales font par ailleurs partie de leur quotidien, notamment dans les petites villes et les endroits où les enfants sont moins scolarisés.
Mark Požlep et Maxime Berthou ont tourné des images de ces rencontres et documenté leurs connaissances et techniques dans une base de données, afin de partager ensuite leur parcours sous forme de films et de ciné-concerts. Selon Berthou, leur voyage a été rythmé par des rencontres inoubliables (comme Cowboy Jim) et des musiques légendaires: jazz, blues, rock ’n’ roll, country, cajun et Prince. En tendant la main aux autres, allant de village en village, les aventuriers ont collecté des données brutes sur l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et d’un racisme malheureusement encore très présent. Ils ont également découvert les problèmes liés à l’agriculture moderne aux États-Unis (situations de crise dans certains États) et les déserts numériques dans certaines régions où les informations sont difficilement accessibles. Southwind est un projet qui non seulement suit le flux naturel du temps, compose avec les éléments et propose une enquête sur l’expérience personnelle, la transcription, la disproportion et les mécanismes de production d’une telle entreprise artistique, mais fonctionne également comme une recherche et une expérience de la société américaine contemporaine le long du fleuve mythique.

En ce qui concerne l’économie circulaire et la réduction des déchets, une fois que les marins sont arrivés à la Nouvelle-Orléans après leur voyage de 50 jours, ils ont converti leur bateau, avec l’aide d’un chaudronnier local qu’ils ont embauché en cours de la route, en une petite distillerie qui pouvait produire du Moonshine. Il leur a fallu 15 jours pour distiller les deux tonnes de maïs récolté, pour environ 2 000 bouteilles.
Plus qu’un simple whisky, le Moonshine de Berthou et Požlep ne se contente pas de porter les saveurs légendaires du Mississippi : c’est «le génie en bouteille» selon Berthou. Plus qu’un simple alcool en bouteille, c’est l’alchimie réussie d’une expérience humaine hors du commun.
Un projet aussi ambitieux ne laisse aucune place à l’improvisation: deux ans de planification et un accompagnement intégralement financé avant le départ – en échange d’un film documentaire complet, plusieurs expositions avec des partenaires, et la prévente de bouteilles aux distributeurs français et américains de spiritueux. Leur projet transmédia a été récemment présenté au Centre Pompidou et à l’American Center for Art & Culture à Paris, conquérant les amateurs d’alcool.