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Jonathas de Andrade
Biographie
Jonathas de Andrade est né en 1982 à Maceió, au Brésil. Il vit et travaille dans le nord-est du Brésil à Recife, une ville côtière riche en contrastes, où d’anciens bâtiments coloniaux se nichent au milieu de gratte-ciel modernes et où l’échec de l’utopie moderniste tropicale est une réalité tangible. C’est autour de l’anthropologie, de la pédagogie, de la politique et de la morale que l’artiste poursuit ses recherches pour raconter les paradoxes de la culture moderniste.
De Andrade utilise la photographie, l’installation et la vidéo pour explorer la mémoire collective et l’histoire, en utilisant des stratégies qui mélangent fiction et réalité. Il collectionne et catalogue des images, des textes, des histoires de vie et du matériel sur l’architecture pour recomposer un récit personnel du passé.
«Je plonge dans ce champ de souvenirs», explique l’artiste. «C’est un passé avec lequel je n’ai aucune intimité, vu comme un territoire, le lieu de reconstitution d’une sorte d’amnésie, un coup de pinceau souvent violent entre aujourd’hui et hier. Ne pas être touché par cela, c’est ce qui me permet de retravailler la nature de ces imaginaires. L’art m’aide à aborder et à répondre à ce qui me provoque. Cela m’aide également à expérimenter plus d’intégrité au passage».1
O Peixe [Le Poisson]
Film 16mm transféré en vidéo 2K, son 5.1, couleur; 38 min
La vidéo de De Andrade, O peixe [The Fish] (2016), emprunte le style des films ethnographiques que les anthropologues réalisent pour enregistrer les cultures et les traditions qu’ils étudient. Dans une série de vignettes tournées sur film 16 mm, nous assistons à ce qui semble être un rituel intime chez les pêcheurs d’un village côtier du nord-est du Brésil. La caméra de De Andrade suit les pêcheurs individuellement pendant qu’ils attrapent puis tiennent leur proie contre leur poitrine. Alternant expressions de domination et d’empathie, les pêcheurs embrassent avec force mais tendrement chaque poisson jusqu’à ce qu’il cesse de respirer. Le geste qui apparaît ici comme un rituel est pourtant celui que l’artiste a inventé, comme pour pousser un portrait volontairement exotisant aux limites de la plausibilité. Alors que les sujets ostensibles de O peixe sont les poissons et les pêcheurs représentés, l’absence de langage et de texte dans le film génère une ambiguïté poignante et invite à une gamme d’interprétations: on pourrait ressentir de l’empathie et du chagrin en étant témoin de la mort, ou encouragé par un expression de solidarité avec le monde naturel, ou captivé par la sensualité particulière de ce rite animiste. Sous ces réponses, cependant, se cache une compréhension que ce geste déguise la violence en bienveillance et suggère une symétrie entre le pouvoir que les humains exercent sur d’autres formes de vie et le pouvoir qu’ils exercent les uns sur les autres.
1https://www.galleriacontinua.com/artists/jonathas-de-andrade-20/biography