Elena Biserna est historienne de l’art et commissaire. Elle est chercheuse associée à l’UMR PRISM (AMU /CNRS) et à l’équipe TEAMeD au sein du laboratoire Art des images et art contemporain (Université Paris 8). Ses recherches portent sur l’interdisciplinarité en art, l’écoute, les arts sonores, les pratiques artistiques « situées » et leurs relations aux dynamiques urbaines, aux processus socio-culturels, à la sphère publique et politique. Elle a enseigné à l’Accademia di Belle Arti de Bologne, à l’Université Aix-Marseille, à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence et a donné des conférences dans plusieurs institutions (récemment à l’ADC-Association pour la danse, Genève ; Quartz, Brest ; MAR-Museo d’Arte della città di Ravenna ; CND-Centre National de la Danse et INHA-Institute d’histoire de l’art, Paris ; MACRO Testaccio, Rome ; Université de Lisbonne ; De Montfort University, Leicester ; Gaîté Lyrique, Palais de Tokyo et EHESS, Paris). Ses écrits ont paru dans des publications internationales (Les Presses du Réel, Mimesis, Le Mot et le Reste, Errant Bodies Press, Amsterdam University Press, Cambridge Scholar, etc.) et des revues spécialisées. Elle co-dirige la rubrique wi watt’heure de Revue & Corrigée avec Carole Rieussec et co-organise le séminaire Pratiques de l’écoute, écoute de pratiques à l’IMéRA Marseille. Elle a collaboré avec diverses organisations en tant que curatrice : Locus Sonus (Aix-en-Provence), Sant’Andrea degli Amplificatori (Bologna), soundpocket (Hong Kong), La Membrane (Marseille), Cona Zavod (Ljubljana), Xing (Bologna), Saout Radio, Sound Threshold (Londres). Parmi ses projets (collaboratifs) : bip bop (Radio Città Fujiko, Bologna 2013), Mobile Audio Fest (Fondation Vasarely, ESAAix, Friche la Belle de Mai, Aix-en-Provence-Marseille 2015), Dreamscapes and other (un)conscious explorations (Cona Zavod, Ljubliana 2017), Walking from Scores (Raum, Bologna 2014, Spring Attitude Festival, Rome 2017, Le Serre dei Giardini Margherita, Bologna 2017, Standards, Milan 2018) et Hong Kong SoundBorderscapes (Soundpocket, HK et Dom Dom, Hanoi).
Rencontre le 13 octobre de 13:00 à 14:00 – Dans le verger, COUVENT LEVAT
SOUNDBORDERSCAPES
Les frontières sont devenues aujourd’hui plus importantes que jamais, touchant à tous les aspects de nos vies et soulevant des problèmes culturels, sociaux, économiques et politiques cruciaux. SoundBorderscapes souhaite interroger le potentiel du microphone pour « donner voix » à ces territoires, mais aussi celui de l’écoute comme outil pour défier la compréhension traditionnelle de la frontière comme ligne de séparation entre différentes entités territoriales.
Le terme « borderscape » – introduit initialement par les arts, puis adopté dans le champ des études sur les frontières – implique une compréhension complexe, plurielle et ambiguë des frontières. Premièrement, il propose une image temporelle et dynamique de la frontière, pensée comme un espace fluide, en permanente construction, redéfini, renforcé ou subverti par une multiplicité de discours, de pratiques et de corps. Deuxièmement, le terme renvoie à une pensée et à une représentation des frontières tenant compte de leur nature culturellement construite.
De son côté, le « paysage sonore » (soundscape) qualifie l’environnement sonore qui entoure l’auditeur : un espace toujours relationnel, temporel et dynamique. Les deux termes soulignent ainsi le dynamisme, la fluidité et la multiplicité du réel. Ils insistent sur sa nature culturelle et complexe, mais aussi sur le rôle des sujets (individuels et collectifs) dans sa définition, sa production et sa matérialisation.
En repartant de ces similitudes, cette intervention introduit le terme de « soundborderscape » pour présenter un ensemble de projets artistiques se confrontant aux frontières géopolitiques à travers le recours aux sons et à l’écoute, y compris Hong Kong SoundBorderscapes : un programme de mentorship que j’ai mené en 2019 avec soundpocket pour explorer l’identité culturelle et la politique identitaire à Hong Kong via l’écoute, la marche, l’enregistrement et le récit.
En enregistrant, composant ou explorant des pratiques vocales ou sonores, ces projets rendent audibles et amplifient les processus à l’œuvre aux frontières, voire rendent compte du processus que constitue la frontière elle-même. De plus, ils proposent de considérer l’écoute comme un instrument propice pour engager une épistémologie critique de la frontière et, ce faisant, la repensent de manière située, relationnelle, dynamique et complexe. Envisagées du point de vue de l’écoute, les frontières perdent, en effet, leur image linéaire et deviennent des flux en mouvement permanent soit des membranes constamment traversées par le passage de l’autre.